Un producteur chinois de Hong-Kong, Raymond Chow, le patron de la Golden Harvest, n’avait pas oublié la prestation de Bruce lors d’une émission télévisée. Chow dénicha un scénario et appela Bruce à Los Angeles. Les deux hommes parlèrent chiffres et tombèrent d’accord au téléphone. Aussitôt Chow envoya un représentant en Californie, avec scénario et contrat en poche.

Bruce Lee et Raymond Chow

C’était la femme de Lo Wei, le metteur en scènne vedette de la Golden Harvest. Quelques jours plus tard, elle revint à Hong-Kong avec le contrat signé. Peu de temps après Bruce s’envolait pour l’Asie. Il laissa un message à Linda, écrivant que son but était de devenir une vedette de cinéma capable de révéler au monde les vertus extraordinaires des arts martiaux chinois.

Affiche de Big Boss Le tournage de Big Boss fut particulièrement éprouvant pour Bruce Lee. Il ne s’entend pas avec le metteur en scène, Lo Wei, vétéran du cinéma chinois. Une profonde antipathie va naître entre Bruce et le « John Ford chinois ». Lo Wei entend être le maître du plateau. En dépit des soixante-quinze films d’action qu’il a dirigés, ses méthodes restent celles de Hong-Kong, basées sur l’improvisation. Bruce ne peut s’empêcher de les comparer à l’organisation méticuleuse qui prévaut dans les studios d’Hollywood. Chaque plan fait l’objet d’âpres discussions entre les deux hommes. Lee est physiquement ébranlé. Les conditions climatiques l’épuisent. Mais le Petit Dragon demeure malgré tout optimiste : « Big Boss fut un film important pour moi, car pour la première fois je tenais le rôle principal. »Tourné en Thailande, le film Big Boss connut un extraordinaire succès dès sa sortie, en 1971. A Hong-Kong, en 19 jours, le film rapporta près de 3 millions de francs. Avec Big Boss, Raymond Chow jouait son va-tout. Il avait proposé à Bruce Lee un contrat exceptionnel comparé aux standards locaux : 15 000 dollars pour 2 films tourner dans les 12 mois.
En 1971, le Petit Dragon revient à Hong-Kong avec Linda, Brandon et Shannon, la petite dernière, pour tourner le deuxième film de son contrat avec la Golden Harvest : « La Fureur de Vaincre ». Dès le départ, le film semble placé sous de mauvais auspices. La dualité qui oppose Bruce Lee à Lo Wei s’accentue. Tous deux regrettent d’avoir à travailler ensemble et seul le succès considérable de « Big Boss » les pousse à renouveler cette collaboration.Dans ce film Bruce incarne un chinois solitaire qui lutte contre une puissance coloniale, le Japon. Il n’est plus une simple vedette de cinéma, il devient un super-héros, veritable messie ethnique pour une race à la recherche de son identité. Colonisés depuis plus de deux cents ans, les Chinois de Hong-Kong ont développpé une sorte de complexe d’infériorité. Mais c’est surtout le Japon, puissance impérialiste, responsable du démembrement de la Chine au début du siècle, qui a occupé et humilié tout l’Extrême-Orient durant la seconde guerre mondiale. D’où une hostilité marquée de beaucoup de Chinois envers les Japonais. Après avoir saccagé le dojo de ses ennemis, Lee prononce la fameuse phrase : « Maintenant vous savez que les Chinois ne sont plus les hommes malades de l’Asie ». Affiche de La Fureur de Vaincre